Nuit de la lecture
Préambule au récital poétique
de la nuit de la lecture du 18 Janvier 2020
Les idées sur la poésie sont souvent flottantes, langue décorative pour bons sentiments, langue hermétique pour initiés, voie d’accès à la métaphysique du monde et à la mystique de vivre, ou cette expérience enchantée - ou terrifiée - de prosodier devant la classe une fable de Lafontaine ou une tirade de Racine.
Nos idées sur les poètes ne sont pas mieux établies. Sont-ils maudits et condamnés à l’asile ou à l’absinthe, à la mort prématurée, à la misère, à l’exil ou à la réclusion, au bannissement ou à l’ostracisme ou sont-ils les élus de la grande route de la vie et de la gloire posthume ou d’un Parnasse inaccessible au commun ?
Mais peut-être avons-nous un point aveugle au fond de la rétine qui nous cache cette évidence que nous sommes tous poètes en devenir puisque nous avons tous traversé les terres de l’enfance, lieu d’élection de l’expérience poétique. L’expérience poétique est un état de conscience parent de la transe créative dans lequel nous ne sommes plus séparés de ce qui est perçu par tous nos canaux de perception. Nous faisons un avec l’expérience. Cet état préfigure en cela l’expérience d’unité vers laquelle tend toute quête spirituelle.
La sortie de l’enfance s’est accompagnée d’un envahissement de la conscience par les langues mortes de la dualité imposées par la survie dans une société moderne et nous nous sommes égarés. J’entends par langue morte la langue des conventions ou des rapports de force, la langue administrative ou rationnelle des explications et de la mise en rang, la langue de l’homo economicus ou celle de la morale de quartier… etc. Si ces langues sont nécessaires à la vie elles ne sont pas la vie.
Par des chemins toujours un peu mystérieux, certains d’entre les hommes ont gardé une telle nostalgie de cet état d’unité qu’ils vont tenter de retrouver la vision originelle de l’expérience par la voie du langage. Ils s’engagent dans le travail de la langue.
Le travail de la langue est un humble artisanat par lequel le poète pèlerine vers le Graal de l’unité perdue. Il endosse sur le chemin quatre fonctions. Il est l’archéologue qui dégage de la poussière du temps et des langues mortes la langue vivante de l’expérience d’unité. Il est la couturière qui recoud les morceaux du monde que les langues mortes ont fragmenté pour dominer, elle rétablit les liens. Il est l’infirmière qui prend soin de la vie en prenant soin du langage. Elle redonne sens, sensation, direction, signification. Notre refuge le plus inaliénable en ces temps de fer réside dans la maison d’une langue faite sienne, incarnée. Il est enfin gardien de phare, solitaire, dans sa tour érigée entre ciel et terre. Au large du monde il éclaire sa nuit, veille sur l’océan des mots, prévient du naufrage sur les récifs de la dualité les navires croisant sur le langage.
Marc Bouriche
● Avec les voix d’Agnès Gueuret, Colette Nys-Mazure et Jean Lavoué.
Trois poètes qui jouent leur gamme quotidienne pour éclairer notre chemin dans l’univers, saisir la vie à la gorge et lui faire rendre âme, puiser dans l’ardeur de la nature l’audace d’être des fils de lumière.● Et la vibration des cordes de Leonardo Loredo de Sá.
ESPACE PVEDA
SAMEDI 18 janvier - 19h
4 rue Léopold Robert, 75014 Paris→ Soirée animée par Marc Bouriche, auteur, membre d’Écritures &
Spiritualités, dans le cadre de la Nuit de la lecture.
Entrée libre - places limitées Réservation souhaitée : colson.bernadette@orange.fr